
Que dire du millésime 2024 ? En deux mots : une année pluvieuse, et un millésime de vignerons. La pluie a eu beaucoup de conséquences, spécialement aux moments clés du cycle de la vigne, la principale étant bien entendu le mildiou (mais aussi les coulures, millerandages, la pourriture grise), ce qui a contraint les vignerons à être très alertes pour prendre soin de leurs vignes au bon moment. Nous saluons donc les équipes qui, tout au long de l’année et avec une grande persévérance, ont su observer leurs parcelles, y intervenir à temps, fixer la date de vendange, trier drastiquement pour n’en garder que le meilleur et réaliser des assemblages équilibrés. Ainsi, le résultat dans le verre n’est pas du tout décevant comme il pouvait l’être régulièrement dans les millésimes pluvieux du passé, bien au contraire, il présente une qualité surprenante et des caractéristiques correspondant aux goûts des amateurs d’aujourd’hui. Les blancs, de leur côté, sont une réussite, en secs comme en liquoreux, frais et équilibrés, l’acidité étant le fruit de la météo pluvieuse et sans excès d’ensoleillement. Les rouges, beaucoup plus complexes à réussir cette année, ne sont pas « un millésime du siècle », et pourtant ce serait une erreur de les bouder : leur qualité est hétérogène certes, mais certains terroirs ont été de véritables réussites et surtout, la plupart des grands vignerons ont réussi, par leurs choix et leur travail à produire de grands vins. Leur profil est plutôt frais et fruité, ce sont des nectars accessibles jeunes donc dans l’air du temps.
Les conditions météo du millésime 2024 à Bordeaux
Une année humide et peu clémente
L’hiver 2023 a été marqué par deux constats climatiques : il a été très doux (à l’exception d’une période plus froide entre le 6 et le 14 janvier et de quelques nuits de gel au mois de février) d’une part, et a été le théâtre de précipitations spécialement élevées et régulières d’autre part. Ces pluies ont impacté le travail aux vignes, surtout durant le mois d’octobre où elles n’ont cessé de tomber. L’on constate globalement des températures hivernales supérieures aux moyennes de saison.
La fin du repos hivernal, le débourrement, a été constaté au début du mois d’avril, alors que le temps est assez ensoleillé. Cette météo clémente était plutôt bénéfique au cycle végétatif, jusqu’à ce qu’une période plus froide vienne le perturber, avec son lot de gels de printemps et de dégâts dans le vignoble. Une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule : en raison de l’humidité, les premiers signes de mildiou apparaissent dès la fin avril. La fin du mois de mai s’achève sur des notes tristes, la maladie progresse, ainsi que des asphyxies racinaires sur les sols gorgés d’eau. Les complications continuent, avec une floraison qui s’éternise, accompagnée de coulure (le pollen coule à cause de la pluie et empêche une bonne fécondation des fleurs de la grappe) et de millerandage (développement réduit de certaines baies comparativement aux autres baies de la grappe), surtout sur les vignes de merlot. Le constat est sans appel : entre octobre 2023 et mai 2024, le cumul des pluies a été bien supérieur à la moyenne, 1 095 mm contre 750 mm en moyenne. La pression mildiou reste la plus grande peur des vignerons, à l’aube de l’été.
Le début de l’été est marqué par une nette amélioration de la météo, même si certains orages entretiennent le développement du mildiou. Fin juillet, enfin, le temps est au beau fixe, à la fois sec et chaud, ce qui permet à la véraison de s’opérer, jusqu’à fin août, alors que la pression mildiou s’amenuise et donne un peu de répit aux vignerons bordelais. Septembre s’ouvre sur une météo plus fraiche et de nouveau pluvieuse, qui n’est donc pas idéale pour la maturation des baies et pour le déroulement des vendanges.
2024 : un millésime de vignerons
De manière plus générale, certains vignerons ont su, malgré la difficulté du millésime, produire de très beaux vins, grâce à un travail méticuleux : observation de leur vignoble, réactivité des équipes pour intervenir aux vignes au bon moment, choix des dates de vendanges, tri drastique des raisins (qui explique également la véritable variabilité des rendements), choix des assemblages… 2024 aura bien été un millésime de vigneron !
Le millésime 2024 à Bordeaux : quelle qualité des vins ?
Les blancs
Côté blancs secs, l’été plutôt frais et humide a permis de produire des raisins particulièrement aromatiques. Les premiers à être vendangés sont les sauvignons blancs, fin août (soit une dizaine de jours plus tard qu’en 2023). Ces baies présentent une jolie acidité, une expression unique, un équilibre, une complexité, et des notes citronnées et florales. L’état sanitaire est tout à fait satisfaisant, tout semble présager d’un excellent millésime pour blancs secs, avec de très beaux résultats sur les terroirs calcaires ou argilo calcaires.
C’est à partir du 28 août que les premiers coups de sécateurs sont donnés pour les sémillons. S’ils sont souvent ou très grande réussite ou un bel échec, c’est en 2024 dans le premier camp qu’ils se rangent : frais, équilibrés, aromatiques, charnus, gourmands, aux notes de fruits blancs et jaunes…
Les rouges
Les merlots sont vendangés à partir du 20 septembre, sous une météo mi-figue mi-raisin. Côté quantité, le poids des baies est similaire à celui de 2021, et parmi les plus élevés des 5 derniers millésimes. Quant aux teneurs en sucres, elles sont modérées, et l’acidité et le fruit sont au rendez-vous. Dès le début de leur élevage, les merlots se présentent aromatiques et plaisants jeunes, moins denses que lors des derniers millésimes. Les meilleurs crus du Libournais leur apportent également de la chair et de la délicatesse. Ceux qui ont été vendangés en dernier sont un peu plus verts et dilués.
S’en suit la vendange des cabernets jusqu’à mi-octobre, la récolte a lieu après une légère accalmie, la météo est plus clémente. Eux aussi présentent des teneurs en sucres proches de celles de 2021, des raisins plus fruités et moins acides, mais aussi structurés, aux couleurs intenses. Coup de cœur pour les terroirs de graves qui ont donné de très beaux cabernets, mais aussi pour les vignerons qui, par leur viticulture rigoureuse, ont pu faire fi du profil « poivron vert ».
Les blancs liquoreux
Les blancs liquoreux ont été également flattés de cette météo tout à fait propice au développement du fameux botrytis cinerea : alternance entre pluies et périodes sèches et venteuses entre septembre et octobre, malgré une crainte des vignerons face à l’instabilité météorologique. Trois tries ont été opérées, toutes complémentaires, pour un résultat idéal : bonne acidité, concentration, pureté, aromatique, équilibre, frais et confit à la fois… La première trie, avant le 25 septembre, a apporté acidité, éclat et fraîcheur ; la deuxième, début octobre, présente des raisins plus riches et structurés ; la troisième et dernière a nécessité un tri drastique mais a complété l’assemblage.
Source : Le millésime 2024 à Bordeaux (Geny, Guittard, Lavigne, Marchal)